Un bout de chemin...
Je l’ai vue lors de mes années d’études de langues et de bénévolat pour l’aide aux réfugiés en France, et dans mon métier tout au long des 12 années pendant lesquelles j’ai travaillé sur le terrain dans l’humanitaire d’urgence, entre catastrophes naturelles et conflits armés. Au milieu du chaos, j’ai très souvent vu la lumière des artisans. De ceux qui créent. Qui tissent le lien, face aux inepties des dirigeants. Des communautés qui n’avaient pas demandé à se retrouver pris dans des conflits d’ego menés à des milliers de kilomètres de là, mais qui les dévastaient, eux, chez eux. Et qu’ils soient restés ou qu’ils aient dû s’enfuir, une chose, parmi d’autres, restait : l’envie de tisser, de créer. J’ai mis longtemps avant de mettre des mots dessus, alors que je le voyais et le vivais : c’est cela qui maintenait le lien de vie.
J’ai mis tellement de cœur dans mon métier, pendant ces années, qu’il a commencé à être très difficile de toujours « lutter contre », et de porter ce dont j’étais témoin aussi chaque jour, de ce que l’humain est capable de faire, dans les pires horreurs. Lorsque je me suis retirée, non sans mal, pour y voir plus clair, après un moment il m’est apparu évident que ce dont le monde avait besoin, c’était, aussi, de ces personnes qui lui offrent ce qui les fait vibrer. Après ces années d’activisme (militant, tout ce temps également, pour l’environnement et l’aide sociale), je sentais que mon engagement devait s’enraciner aussi dans un mode d’action un peu différent. Tout en continuant, bien sûr, à soutenir avec cœur mes amis et collègues qui travaillent pour leurs communautés et les autres, ici et ailleurs.
Je créais des malas pour moi depuis quelques temps déjà : j’en avais découvert la magie et la puissance en commençant à méditer, il y a quelques années. J’en ai fait une activité, parce que c’était ça, entre autres, qui me faisait vibrer à ce moment de ma vie. Besoin d’ancrage, de couleurs, de chaleur, de douceur. De faire briller cette lumière créatrice. Je couple cette activité à la musique, créatrice et puissante elle aussi.
Je fabrique mes propres perles en bois, avec du bois local, des branches d’arbres qui poussent autour de ma cabane-atelier ou issues de récupération et de taille raisonnée (l’idéal vers lequel je tends restant de récupérer les branches offertes par les arbres naturellement). Les énergies des arbres sont puissantes. Les sentir passer au travers de mes mains l’est tout autant. Reconnaissance et respect.
Témoin directe des dégâts causés par l’exploitation et le commerce des pierres fines, j’attache une importance cruciale à n’en utiliser qu’avec raison, en prenant soin de ne pas travailler avec des pierres issues des branches les plus sanglantes de la filière. Malheureusement, cette filière est très opaque, l’analyse que j’en fais de ses circuits (déformation ex-professionnelle sûrement ) est difficile, quelque soient les justifications entendues. Aussi, je tiens à travailler en conscience avec les quelques pierres que j’ai encore actuellement, tout en me dirigeant de plus en plus exclusivement vers des matériaux locaux qui, eux aussi, ont tant nous apprendre et à partager en termes de symboles et de vertus.
Je tiens à la danse du donner et recevoir avec la Nature : ne pas prendre sans considération ni respect, lui donner en retour. Ici et maintenant.
Je suis convaincue que nous avons tous de la magie créatrice au bout des doigts, ou au bout des lèvres, ou même au bout de notre imagination. Que cette magie doit s’exprimer, de différentes manières, qui évoluent sûrement avec le temps. Pour moi aujourd’hui, ce sont les couleurs, les matières, les sons. Et je souhaite partager, ne serait-ce qu’un tout petit peu, cette tentative d’expression créative, ce bout de chemin.
Emmeline